14 juin 2017

Réunion du Conseil du CIR au Rwanda – Ce que veut dire l'Umuganda

by Mr Antti Piispanen / in

 

Blog de M. Antti Piispanen/AMF Finlande/Membre du Conseil du CIR 

 

Les réunions du Conseil du CIR se tiennent une fois par an dans un pays moins avancé. Ces réunions constituent une occasion excellente pour les membres du Conseil du CIR de voir et comprendre comment le programme fonctionne sur le terrain. En décembre 2016, nous avons eu la chance de nous retrouver au Rwanda.

 

Je suis parti à Kigali depuis la capitale finlandaise Helsinki au cœur de l'hiver. C'était mon premier voyage au Rwanda, et je ne savais pas à quoi m'attendre. J'ai d'abord été surpris dans l'avion, lorsque l'équipage de la compagnie aérienne a annoncé que les sacs en plastique étaient interdits au Rwanda. Le pays semblait prendre au sérieux la protection de l'environnement. Cette impression s'est confirmée durant mon séjour au Rwanda. Kigali est l'une des villes les plus propres de la planète. J'ai aussi appris le sens du mot rwandais Umuganda, qui veut dire à peu près "se rassembler autour d'un objectif commun pour obtenir un résultat". C'est à ce titre aussi que la communauté se rassemble le dernier samedi de chaque mois pour nettoyer son quartier et effectuer d'autres tâches communautaires.

 

Cet esprit de rassemblement autour d'un objectif commun est probablement l'ingrédient secret de la transformation remarquable qui se produit au Rwanda depuis le génocide dévastateur de 1994. L'économie du pays et les niveaux de vie ne cessent de croître depuis plus de 20 ans. Le changement est incroyable et il est visible. En regardant les édifices modernes et le cadre magnifique du pays aux 1 000 collines, il est difficile d'imaginer que le Rwanda n'est parti de rien il y a seulement 20 ans. Le Président Paul Kagame l'explique bien dans une interview pour le New York Times au sujet de l'Umuganda: "Notre pays était connu autrefois pour son histoire tragique. Aujourd'hui, le Rwanda est fier d'être connu pour sa transformation."

 

La réunion du Conseil du CIR a débuté par une visite de courtoisie au Ministre du commerce, de l'industrie et des affaires d'Afrique de l'Est (MINEACOM), S.E. M. François Kanimba. Nous avons appris que le commerce joue un rôle important dans le développement du pays. Le commerce transfrontières est considéré comme une priorité importante dans le plan de développement national. Le Rwanda est l'un des pays où le CIR a fonctionné comme prévu. Le gouvernement s'approprie et prend en charge le programme sur le commerce tout en ayant recours de manière stratégique au CIR et à ses outils pour coordonner les ressources de l'Aide pour le commerce et en mobiliser de nouvelles pour atteindre les objectifs de développement du pays.

 

La réunion du Conseil du CIR elle‑même s'est tenue au tout nouveau Centre de conférences de Kigali. Le bâtiment a été inauguré en 2016, à temps pour accueillir le vingt-septième Sommet de l'Union africaine en juillet. Notre réunion du Conseil du CIR était présidée de manière compétente par l'Ambassadeur Eloi Laourou du Bénin. Le Conseil du CIR a discuté, entre autres, du Plan stratégique à moyen terme du CIR, du Recueil pour la phase deux du CIR et de l'optimisation des ressources pour les travaux du CIR. Il a été reconnu que 2017 serait une année importante pour produire et démontrer des résultats. Mettre en avant la valeur ajoutée du CIR, qui est très visible dans des pays comme le Rwanda, est vital pour attirer plus de ressources afin de mettre pleinement en œuvre la phase deux du CIR lancée en 2016.

 

Suite à la réunion du Conseil du CIR, le MINEACOM et le CIR ont organisé conjointement un atelier pour examiner le commerce transfrontières. Des partenaires internationaux, régionaux et locaux ont fait des présentations. Il était encourageant de voir les partenaires clés s'impliquer et débattre des moyens de mise en œuvre collective du programme sur le commerce. Ce qui m'a particulièrement frappé, ce sont les observations du Ministre M. Kanimba sur le commerce transfrontières. Il a souligné que le commerce informel ne devrait pas être perçu comme illégal, comme quelque chose que nous devrions essayer de limiter. Nous devons plutôt reconnaître la valeur significative apportée par les commerçants informels à l'économie et aux moyens de subsistance de la population. Ses observations touchent à l'essence même du commerce inclusif. Nous devons trouver des moyens de faciliter le commerce transfrontières, surtout pour les petits commerçants dont les moyens sont rudimentaires. Il s'agit aussi de promouvoir l'égalité des sexes, puisque 70 à 80% des commerçants au Rwanda réalisant des échanges transfrontières sont des femmes, et le commerce transfrontières représente l'unique source de revenus pour 90% d'entre elles.

 

Le moment fort de la semaine a été une visite sur le terrain du marché à la frontière entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) à Karongi au bord du lac Kivu, l'un des plus grands lacs du Rwanda, qui forme une vaste bande le long de la frontière entre les deux pays. Nous sommes arrivés à Karongi juste à temps pour voir un marché animé avec des animaux vivants, du poisson, des fruits, des légumes et d'autres produits agricoles proposés à la vente. Des commerçants informels de la RDC, arrivant dans leurs traditionnels bateaux de pêche ouverts, étaient occupés à négocier les prix avec leurs homologues rwandais. Les bateaux se remplissaient progressivement de bétail et de produits agricoles. La RDC est le plus grand marché d'exportation informelle du Rwanda, représentant 83% des exportations transfrontières informelles, d'après une étude de la Banque nationale du Rwanda. Les marchés, comme celui de Karongi, ont un impact important sur les moyens de subsistance de la population des deux pays.

 

Le marché de Karongi existe depuis plus de 20 ans. Il est devenu l'un des lieux de passage informels les plus fréquentés du Rwanda. Situé au milieu d'un parc touristique cartographié offrant des points de vue panoramiques spectaculaires sur le lac, les volumes commerciaux devraient augmenter avec les arrivées de touristes. Toutefois, le marché a très peu évolué, et les commerçants à Karongi font face à plusieurs contraintes de taille. Les infrastructures médiocres du marché et les installations d'entreposage inadéquates alourdissent les coûts, entraînent plus de pertes et font grimper les prix. De plus, le mauvais état du réseau routier entrave l'accès des producteurs agricoles au marché. Un manque d'informations sur la demande et les prix limite l'augmentation des capacités des producteurs. Ce sont quelques‑uns des problèmes que le projet de catégorie 2 du CIR "Développement inclusif des capacités commerciales transfrontières" cherche à résoudre. Le projet vise à améliorer globalement les mécanismes institutionnels, les capacités liées au commerce et les infrastructures stratégiques d'appui au commerce. La stratégie nationale transfrontières du Rwanda identifie huit marchés à la frontière pour le développement. Le CIR soutient deux d'entre eux, à Karongi et Burera. D'autres partenaires de développement, comme TradeMark East Africa et la Banque mondiale, soutiennent les autres marchés.

 

Les travaux de construction du nouveau marché de Karongi étaient en bonne voie. Nous avons mis nos casques et nos gilets de sécurité jaune, et nous sommes allés visiter le chantier. Les améliorations du marché actuel seront importantes, avec des installations d'entreposage modernes et d'autres infrastructures. Elles protégeront de la pluie et des installations de réfrigération seront à disposition. Suite à la visite du chantier, nous avons rencontré un groupe de femmes entrepreneurs qui ont présenté fièrement leurs produits. Le projet du CIR, qui investit dans des infrastructures pour les femmes, devrait leur être bénéfique en fournissant un espace commercial sûr pour gérer leur activité. Notre excursion s'est terminée par une réunion d'information avec des habitants qui avaient envie de connaître le projet et les possibilités que leur offrira le nouveau marché transfrontières. L'enthousiasme de la population nous a rappelé que les infrastructures matérielles ne sont qu'une partie du projet. Créer un environnement économique propice et renforcer les capacités des entrepreneurs locaux est tout aussi important, si ce n'est plus, que de créer un marché florissant.

 

Après avoir profité de la chaleur du soleil du Rwanda et de sa population, il était temps de retourner à l'aéroport et à l'hiver finlandais. Je me suis rendu compte que nos deux pays étaient étonnamment similaires. En Finlande, lorsqu'une famille, une communauté, un club de sport ou tout autre groupement social doit faire quelque chose, nous organisons ce qu'on appelle un Talkoot. Les gens se réunissent pour travailler sur un projet commun sans rien attendre en retour qu'un verre offert par l'hôte. Les similitudes avec l'Umuganda sont frappantes. En fin de compte, c'est aussi ça le CIR: se rassembler autour d'un objectif commun pour obtenir un résultat.

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