26 novembre 2017

Au Sénégal, des femmes sont à la tête d'un secteur de la mangue en plein essor

L'une des plus grandes exploitations de mangues au Sénégal est dirigée par une femme, signe positif pour l'avenir de ce secteur en pleine expansion.

Aminata Dominique Diouf était âgée de sept ans quand son père a acheté une petite ferme à un quart d'heure de la frontière entre le Sénégal et la Gambie.

"À cet âge‑là, je ne savais pas vraiment ce qu'était l'agriculture", dit‑elle. "J'étais simplement fascinée par les couleurs: je courais, je sautais, je touchais et je regardais les gens travaillant sous le soleil radieux, parmi les chants des oiseaux."

Quelques années plus tard, elle a eu la chance d'aller aux États‑Unis pour y rendre visite à sa correspondante et améliorer son anglais. Il y avait à côté de la maison un grand champ, où elle a vu un homme conduisant un tracteur.

"J'étais surprise, émerveillée et très curieuse, alors un jour j'ai décidé de lui parler. Il m'a expliqué pourquoi il avait choisi ce métier au lieu de travailler dans un bureau. Ce jour‑là, j'ai décidé de devenir agricultrice. J'ai dit à mon père que je voulais reprendre son exploitation de mangues après avoir fini mes études", raconte Aminata.

C'est ce qu'elle a fait en 2017, à 26 ans, en devenant PDG du domaine agricole de Nema. Avec ses 35 employés à plein temps, ses 20 000 manguiers et des partenaires dans 5 pays, le domaine agricole de Nema est devenu l'une des plus grandes exploitations agricoles du Sénégal, et peut‑être la seule à être dirigée par une femme.

Le domaine compte maintenant plus de 150 employés et est hautement mécanisé. Située dans le village de Nemanding, dans la région de Fatick, l'exploitation se trouve à seulement 15 minutes en voiture de la frontière gambienne. Elle s'étend sur 92 hectares et se divise en trois parcelles appelées Kawsara, Khelkom et Nema.

"Nous travaillons avec Aminata depuis deux ans pour l'aider à lutter contre la mouche blanche dans ses cultures et lui ouvrir de nouveaux marchés pour les mangues sénégalaises", explique Cheikh Saadbouh Seck, coordonnateur de l'unité nationale de mise en œuvre du Cadre intégré renforcé (CIR) au Ministère du commerce sénégalais.

Le CIR a vocation à aider les pays les moins avancés à augmenter leur offre de produits sur les marchés mondiaux, tout en développant l'emploi, en luttant contre la pauvreté et en prenant des mesures décisives pour le développement socioéconomique.

En 2013, le CIR a constaté le potentiel important et inexploité du secteur de la mangue au Sénégal.

"À l'époque, nous produisions 150 000 tonnes de mangues par an mais n'avions pas les certifications nécessaires pour exporter sur les marchés internationaux", explique Cheikh Saadbouh Seck.

L'élaboration du projet mangue a commencé en 2013. Approuvé en août 2014 par le CIR, le projet est mis en œuvre depuis 2015.

"Depuis le début de ce projet en 2015, nous nous efforçons de nous aligner sur les normes en vigueur pour accéder à ces marchés: nous apportons une formation technique aux agriculteurs en vue d'en améliorer les pratiques et nous construisons des infrastructures telles que ports, services de transport maritime, infrastructures de stockage et usines de transformation, pour permettre au Sénégal d'exporter un large éventail de produits à base de mangues."

En quelques années, le Sénégal est devenu le deuxième producteur de mangues d'Afrique de l'Ouest, après la Côte d'Ivoire.

L'AUTONOMISATION DES FEMMES PEUT ÊTRE LE MOTEUR DE LA CAMPAGNE D'EXPORTATION

Des rôles très distincts sont assignés aux hommes et aux femmes dans la production et la vente de mangues bien que les femmes représentent 45% de l'ensemble des acteurs du secteur.

"Sur le continent africain, les femmes participent aux travaux agricoles et à la transformation des aliments, et jouent un rôle majeur dans la sécurité alimentaire, mais elles ne jouissent pas des mêmes droits que les hommes en ce qui concerne les terres. En général, les femmes ne possèdent pas leurs propres terres", affirme Aminata.

Les préoccupations des femmes et leur inclusion ont été prises en compte tout au long de la mise en œuvre du projet grâce à une approche inclusive qui promeut la participation des femmes à chaque étape de la production: de la culture à l'exportation, en passant par la récolte. Une analyse de la chaîne de valeur a révélé que les femmes représentent 90% des acteurs de la commercialisation, et 80% de la main‑d'œuvre chargée de l'emballage pour l'exportation.

Au total, 1 211 producteurs, entreprises, cueilleurs et transporteurs ont reçu, dans le cadre du projet du CIR, une formation sur les méthodes de récolte, les normes de qualité et les techniques de lutte contre les ravageurs de la mangue. Des jeunes ont été organisés en six associations qui leur ont permis de participer plus activement à des programmes de formation.

Aminata a décidé de suivre ces formations pour plusieurs raisons: "Je voulais améliorer mon entreprise de la meilleure manière possible et la positionner progressivement sur les marchés internationaux. Et j'étais heureuse de voir que notre pays investit davantage dans l'agriculture pour faire baisser le taux de chômage des jeunes dans notre pays", explique‑t‑elle.

En mettant en pratique ce qu'elle avait appris sur la lutte contre les ravageurs et en faisant une utilisation intensive de l'irrigation et des équipements modernes, Aminata a pu approvisionner le marché en mangues fraîches avant l'ouverture officielle de la saison, ce qui a donné à son entreprise une longueur d'avance sur les autres.

En outre, elle a réussi à obtenir une certification internationale auprès de Tesco Nurture et GLOBALG.A.P., et a eu l'occasion de participer à des négociations commerciales au Maroc. Selon elle, le fait d'avoir rencontré des importateurs, des gestionnaires de ports et des responsables publics sera extrêmement utile pour l'avenir de sa production sur ces nouveaux marchés.

Le parcours d'Aminata reflète la réussite du Sénégal dans le renforcement des chaînes d'approvisionnement en mangues. En plaçant son entreprise au centre de cette chaîne de valeur qui s'enracine, Aminata a pu avoir une incidence positive sur la société au sens large.

"Ce projet a un impact considérable sur ma vie et sur celle des autres. Le plus important, c'est qu'il m'a permis d'engager et de faire vivre des jeunes des villages voisins", dit‑elle, ajoutant que son entreprise propose des logements sur place pour les familles des travailleurs et un centre de santé pour les habitants des villages voisins.

"Nous avons maintenant une meilleure connaissance des marchés internationaux et nous savons comment remédier aux faiblesses de nos entreprises. Ce projet m'a permis de gagner la confiance des établissements de crédit et d'en obtenir des prêts bancaires."

Grâce aux prêts bancaires et aux connaissances acquises dans le cadre des activités du projet, Aminata a pu ouvrir son premier centre de transformation de produits alimentaires. Au Sénégal, les femmes représentent 83% de la main‑d'œuvre au niveau de la transformation des aliments dans le secteur de la mangue.

"Nous allons exporter 15 produits de grande qualité sur les nouveaux marchés: mangues séchées, jus de mangues, vinaigre, confiture, chutney, sirop, compote et même aliments pour bébés!"

Il reste encore des défis à relever. Même aujourd'hui, seules quelques entreprises – comme le domaine agricole de Nema – peuvent exporter vers l'Union européenne et les États‑Unis, et seule une entreprise exporte au Canada. Le défi de la création de valeur ajoutée pour les exportations demeure.

"Nous sommes déterminés à travailler ensemble – autorités, secteur privé, société civile, partenaires du développement – pour accroître les retombées et les effets multiplicateurs du soutien fourni par le CIR, et renforcer les capacités de chacun. Nous cherchons aussi à adopter la meilleure stratégie possible pour le secteur de la mangue tout au long de la chaîne de valeur – de la production à la commercialisation auprès des consommateurs, en passant par la transformation et la logistique. Si nous réussissons à travailler tous ensemble, nous pourrons résoudre tous les problèmes", affirme Cheikh Saadbouh Seck.

Aminata se considère comme "très chanceuse".

"J'ai la chance de posséder plus de 172 hectares au Sénégal. Je compte me battre pour que plus de femmes sénégalaises aient leur propre entreprise agricole", affirme‑t‑elle.

"Il est temps de nous lever, de nous réveiller, de nous tourner vers la terre et d'investir massivement dans l'agriculture."

Annette Mutaawe Ssemuwemba est Directrice exécutive adjointe du Secrétariat exécutif du Cadre intégré renforcé (CIR).

 

Credits

Header photo by Manuel Unigarro/Flickr

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